Culte du 18 décembre 2022
4ème dimanche de l’Avent
Chant d’entrée: Corinne Lafitte –
Écoute Israël
Es 7, 10-16
Ps 23
Mt 1, 18-25

Voici comment fut engendré Jésus Christ :
Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ;
avant qu’ils aient habité ensemble,
elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
Joseph, son époux,
qui était un homme juste,
et ne voulait pas la dénoncer publiquement,
décida de la renvoyer en secret.
Comme il avait formé ce projet,
voici que l’ange du Seigneur
lui apparut en songe et lui dit :
« Joseph, fils de David,
ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse,
puisque l’enfant qui est engendré en elle
vient de l’Esprit Saint ;
elle enfantera un fils,
et tu lui donneras le nom de Jésus
(c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve),
car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Tout cela est arrivé
pour que soit accomplie
la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
Voici que la Vierge concevra,
et elle enfantera un fils ;
on lui donnera le nom d’Emmanuel,
qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».
Quand Joseph se réveilla,
il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit :
il prit chez lui son épouse.
Prédication : Philippe Huchant
Chers Frères et Soeurs,
Ah ces textes de la période de Noël ! Et oui, c’est bientôt la fête de Noël, j’allais l’oublier à force d’entendre tout le monde me souhaiter de « bonnes fêtes de fin d’année »… Mais revenons à ces textes de Noël : qu’est-ce que je vais bien pouvoir vous raconter ? On les connaît par cœur, ces textes ! L’annonce faite à Marie, tout ça c’est archi connu ; il y a même une pièce de théâtre célèbre qui s’appelle ainsi. On le sait tout ça. Quoi ? Il ne s’agit pas de l’annonce faite à Marie ? Ah non, c’est vrai ; on n’est pas dans l’évangile selon Luc cette année, on est dans l’évangile selon Matthieu. Et en Matthieu, ce n’est pas l’annonce faite à Marie mais l’annonce faite à Joseph : on change de héros ! Mais, attendez, en fait il n’y a pas d’annonce faite à Joseph. Ce n’est pas par l’Ange que Joseph apprend que Marie est enceinte ! Comment l’a-t-il appris ? Si ce n’est pas par l’Ange, par qui d’autre que par Marie l’aurait-il appris ? D’où la scène suivante que j’ai imaginée. J’espère que cette invention me sera pardonnée… Son but est de bien nous mettre en tête ce qui se passe.
Voici donc le récit purement imaginaire de ce qui s’est passé entre Joseph et Marie avant ce qui nous est rapporté dans notre texte d’évangile d’aujourd’hui.
Marie vient voir Joseph qui est affairé dans un projet complexe de charpentier. « Je veux te parler, Joseph » lui dit-elle. Joseph lui répond : « Oui, bonjour Marie ; tu ne tombes pas très bien, je suis tout à ce fichu projet de charpente et je n’y arrive pas ; mais je t’écoute ». Marie lui murmure : « Je voudrais te parler de nous, enfin… ». Alors Joseph l’interrompt : » oui, je sais , il nous faut fixer la date du mariage ; mais reparlons en demain si tu veux bien ». Marie insiste : « non, ce n’est pas cela, je veux te parler de l’enfant ». Joseph reprend d’un ton attendri et ému : « oui, nous en avons parlé déjà, nous avons même choisi le prénom : Jacques, si c’est un garçon ». Marie poursuit de plus en plus gênée : « non, il ne s’agit pas de notre enfant ». Joseph, visiblement interloqué, interroge : « ah bon, mais de quel enfant alors ? ». Marie, au bord des larmes, lâche dans un souffle : « je ne sais pas mais je suis enceinte ». Joseph lui réplique, visiblement agacé : « Très drôle ! Nous ne nous sommes pas encore connus mais tu es enceinte ! Allez, laisse-moi travailler ». Marie de plus en plus grave : « Je ne plaisante pas, Joseph ; je suis vraiment enceinte, je ne comprends pas… ». Joseph la regarde attentivement : « Tu ne comprends pas ! Et moi, tu crois que je ne comprends pas ce que tu as fait ? Va-t-en ! « . Marie s’en va. Joseph reste seul et tombe à genoux : « Seigneur, pourquoi m’as-tu fait ça ? Je ne suis pas un saint homme, non, Tu le sais bien. Mais je T’ai toujours honoré, respecté, prié, j’ai obéi à tes commandements. Pourquoi me détruis-tu ainsi ? Et puis Marie, je l’aimais tellement … Comment a-t-elle pu me faire ça, comment a-t-elle pu me trahir ainsi ? D’ailleurs, je l’aime encore, je l’aime toujours, c’est ça le pire ! Qu’est-ce que je vais faire de cette … Que vais-je faire de toi, Marie ? Si j’obéis à la règle, c’est la mort pour toi. Je ne veux pas que tu sois lapidée même si tu l’as mérité. Alors il faut que tu partes loin, je vais te répudier, je trouverai bien une raison à donner à nos concitoyens et tu auras la vie sauve. » Alors retentit la voix de l’Ange du Seigneur : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse ; ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit saint. »
Voilà, fin de mon récit imaginaire. L’Ange me ramène les pieds sur terre, ou plutôt l’esprit au ciel. Ce texte d’évangile nous parle de sainteté et nous parle de Joseph, de l’homme juste qu’est Joseph. Ce sont les deux thèmes que je développerai devant vous aujourd’hui.
- La sainte famille et la sainteté en général
Oui, Matthieu nous parle dans son évangile de la sainte famille et il commence à le faire dans ce texte, au tout début de son évangile. Je vous rassure, je ne me suis pas trompé de lieu de culte et je n’ignore pas que la fête de la sainte famille est une fête catholique. Je n’ignore pas que nous protestants n’emploierions pas cette expression. Pourtant tout à l’heure nous allons célébrer la Sainte Cène ; nous célébrons l’Esprit Saint ; nous le proclamerons dans notre profession de foi. Alors la sainteté, qu’est-ce que c’est ? J’espère à nouveau que vous me pardonnerez d’aborder ce thème à l’occasion de la famille que constituent Jésus, Marie et Joseph…Car cette « sainte famille » est une sacrée famille !
Commençons par le fils, Jésus et commençons par son nom. Normalement, c’est le père qui donne le nom au fils. Ce sera le cas mais d’une façon inhabituelle : Joseph reçoit de l’Ange l’instruction d’appeler son fils Jésus, ce qui veut dire « Dieu sauve ». Pourquoi ce nom de Jésus, « Dieu sauve » ? Parce que, dit l’Ange, Jésus sauvera son peuple des péchés de ce peuple. Celui qui apparaissait initialement comme le fruit du péché de Marie, comme la cause de la lapidation légale de la pécheresse Marie par le peuple, devient celui qui enlève le péché de son peuple. Passons maintenant à la généalogie de Jésus telle qu’elle figure au tout début de l’évangile selon Matthieu : c’est juste avant notre texte du jour. Le premier verset de cet évangile est : « livre des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham. » Le dernier verset de cette généalogie est : « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus que l’on appelle Christ » (Mt1, 16).Jésus est bien fils de Marie mais pour les chrétiens, l’important n’est pas vraiment là. L’important est que grâce à Joseph qui n’est pas son père, Jésus est fils du roi David car c’est de la descendance du roi David que devait venir le Messie. L’important est que « ce qui a été engendré en Marie vient de l’Esprit Saint » ( Mt 1, 20). Jésus, effectivement fils de Marie, est surtout pour les Chrétiens, fils de Dieu. Mais nous dit l’évangile, Jésus ne s’appelle pas seulement Jésus ! On lui « donnera aussi le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous » (Mt1, 23). C’est évidemment un point capital : Dieu avec nous, c’est la merveille de la foi chrétienne, la merveille de l’incarnation, la merveille du salut. Rien qu’avec ce double nom de Jésus Emmanuel, tout est dit : Dieu vient pour nous sauver en s’incarnant et il s’incarne en prenant naissance au sein de la famille de Marie et Joseph.
Poursuivons notre exploration de cette famille exceptionnelle, de cette famille à part, avec la mère, avec Marie. Dans notre passage, ce qui est souligné, c’est que Marie accomplit les Ecritures, accomplit ce qui était annoncé par le prophète Esaie : « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel ». Et Marie restera vierge jusqu’à la naissance de Jésus. De même que grâce à Joseph, Jésus accomplira la promesse du Messie davidique, de même grâce à Marie, Jésus accomplit la prophétie messianique d’Esaie.
Achevons notre exploration de cette famille à part, donc de cette sainte famille (saint, ça veut dire ça : mis à part par Dieu, pour Dieu). Continuons avec le père qui n’est pas le père, c’est-à-dire avec Joseph. Ce sera mon second thème : Joseph, figure de l’homme juste.
2. Joseph, figure de l’homme juste
Joseph est un homme juste ; c’est l’évangéliste qui le souligne au verset 19 : « Joseph, l’époux de Marie, était un homme juste ». Qu’est-ce que ça veut dire un homme juste ? Dans notre culture moderne, être juste cela renvoie le plus souvent soit à une perspective résolument individualiste dans laquelle chacun se définit ce qui lui paraît juste soit à une perspective d’opinion dominante dans laquelle la justice est ce qui est conforme à l’idéologie dominante. Mais le mot juste selon son étymologie, ce n’est pas cela. L’étymologie nous renvoie au droit qui se dit jus en latin et d’où vient le mot de justice entendue comme l’institution qui fait respecter la loi. L’homme juste est donc celui qui agit conformément au droit. Dans le cas qui nous occupe, que dit la Loi ? Le Deutéronome est tout à fait clair : « Si la jeune femme n’a pas été trouvée vierge, on l’amènera à la porte de la maison de son père ; les hommes de sa ville la lapideront et elle mourra » (Dt 22, 20). Précisons à toutes fins utiles que la peine de mort est également appliquée à l’homme qui couche avec une femme mariée ( Dt 22, 22). Revenons à Joseph : il est un homme juste, il devrait donc appliquer la Loi et livrer Marie à la lapidation. Pourtant il ne le fait pas, il refuse de DENONCER Marie afin de préserver sa vie. Cela se comprend humainement bien sûr, mais ce qui est remarquable, c’est que l’évangéliste nous présente cela comme juste alors que c’est sinon un pur détournement de la Loi, au moins une interprétation souple d’autres passages de l’Ecriture relatifs à la répudiation! Il faut se rappeler que c’est ce même évangéliste Matthieu qui place dans la bouche de Jésus cet exigeant rappel à la Loi : « n’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les prophètes : je ne suis pas venu abroger mais accomplir… pas un i, pas un point sur un i ne passera de la Loi, avant que tout ne soit arrivé « (Mt 5, 17-18). On touche là à un point essentiel du message chrétien selon Matthieu : l’homme juste est celui qui agit de façon ajustée à la volonté de Dieu. Celle-ci s’exprime assurément dans la Loi et les prophètes qu’il faut toutefois lire, relire, comprendre à la lumière de l’enseignement de Jésus. Ce n’est certainement pas à l’homme de définir lui-même ce qui est bien et ce qui est mal : cela, cette prétention absolue, c’est le péché originel, c’est la cause de la rupture du lien vital entre l’homme et Dieu. Mais c’est à l’homme de se mettre à l’écoute de Jésus pour bien comprendre, au-delà de la lettre de la Loi, l’esprit de l’Alliance que Dieu a voulu nouer. C’est pourquoi Joseph est juste quand il décide de répudier secrètement Marie même si on a un peu de peine à imaginer comment cette répudiation aurait pu être tenue secrète.
Joseph est un homme juste, c’est-à-dire un homme qui s’ajuste à la volonté de Dieu et donc modifie ses décisions, son comportement, ses actes en fonction de la manifestation de cette volonté divine. Et cela apparaît dans tous les passages d’ailleurs peu nombreux qui nous parlent de Joseph. A chaque apparition de Joseph dans l’évangile apparaît l’Ange du Seigneur ! Dans notre passage du jour, l’Ange apparaît pour lui dire de ne pas répudier Marie et de la garder chez lui et plus important encore, pour lui révéler que l’enfant qu’elle porte est le fruit de l’Esprit Saint. Cette paternité de l’Esprit Saint est aussitôt manifestée puisque c’est en fait l’Esprit saint qui décide du nom à donner à l’enfant. Les apparences sont sauves : aux yeux des hommes, c’est Joseph qui donnera le nom de Jésus à cet enfant. En réalité cela va au-delà des seules apparences : c’est bien Joseph qui agit, mais il agit avec humilité, en se laissant complètement guider par l’Ange, c’est-à-dire par l’Esprit Saint. Cela sera à nouveau le cas dans les autres passages où apparaît Joseph : après le départ des mages lorsqu’il s’agit de préserver la vie de Jésus en s’enfuyant en Egypte ; après la mort d’Hérode lorsqu’il s’agit de revenir d’Egypte en Israël ; sur le chemin du retour vers la Judée lorsque Joseph apprend que le gouverneur de Judée était un personnage dangereux, si bien que le voyage de retour s’achève non pas en Judée mais à Nazareth en Galilée.
CONCLUSION
Il y aurait bien d’autres choses à dire au sujet de la famille de Jésus, sur la manière dont il appellera Marie sa mère en Jn 2,4: «Que me veux-tu, femme ? « , beaucoup à dire aussi sur la définition qu’adulte il donnera de qui est sa vraie famille, de qui sont sa mère et ses frères en Mt 12, 49 : « Montrant de la main ses disciples, Jésus dit : Voici ma mère et mes frères ; quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c’est lui mon frère, ma sœur, ma mère ». Dans le droit fil de cette vision des choses, je conclurai en soulignant que si Joseph était certes un homme juste, il était aussi profondément le vrai faux père de Jésus car Joseph nous est montré comme faisant toujours la volonté de notre Père à tous , de notre Père qui est dans les cieux.
AMEN
Prédication en audio :
Comme un souffle fragile (Alleluia 22-08)